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    Paris

    mercredi 03.05.23 > samedi 03.06.23

    11h00 > 19h00

    Wolfgang Matuschek

    x Galerie Crèvecœur

     

    Les dessins à l’encre de Wolfgang Matuschek (né en 1989 en Autriche, vit et travaille à Vienne) dépeignent des scènes nocturnes qui semblent être observées avec désinvolture, du coin de l’œil. Aucune action directe ne se déroule dans ces environnements déserts, presque immobiles, qui représentent des zones industrielles, des chantiers de construction ou des rues de villes non identifiables. La série dans les tons orangés montre des scènes d’intérieur comme si elles étaient vues à travers un fourré, tandis que les images dessinées à l’encre violette se déroulent à l’extérieur. Elles ont en commun un surréalisme ou un surnaturalisme silencieux et intangible. Contrairement à la désinvolture des scènes, les œuvres sont méticuleusement dessinées, révélant des compositions très sensibles lorsqu’on les examine de plus près. Elles racontent des histoires sur des mondes construits par l’homme, des technologies et des infrastructures qui ont été abandonnées, comme si tous les gens avaient disparu sans éteindre le poêle.

    Instagram de l’artiste

     

    L’exposition

    Wolfgang Matuschek a pensé intituler son exposition « Buildings » mais finalement non. Cette idée lui est venue parce que l’ancien étudiant en architecture qu’il est aime à se questionner sur la définition de ce qu’est un bâtiment. Ce qui le définit en tant que tel. A quel moment il est considéré comme tel, c’est-à-dire comme un produit architectural fini. A regarder de près les éléments et les détails qui semblent parfois déployés à l’infini dans les dessins de Matuschek, les toits, étranges et changeants, jouent un rôle prépondérant dans la structure de ses compositions. De même ce sont très souvent eux qui, en la ponctuant, définissent la forme d’un bâtiment.

    L’enchevêtrement des plans complexifie encore d’avantage l’appréhension des images créées par Matuschek. A la multitude de détails qui s’y perdent s’ajoute le sentiment d’infini que procure la rigueur de son trait hérité des techniques du dessin d’architecture. Cette méticulosité révèle une sensibilité extrême, à la manière d’un Hercules Seghers, maître de la gravure et influence majeure de Rembrandt. Il utilisait sa virtuosité technique au service de la production d’une imagerie paysagère qui n’était jamais la représentation de quelque chose de tangible mais d’une image mentale, de l’ordre du souvenir ou de la rêverie.

    Dans les paysages mentaux de Matuschek le temps semble être aplani, l’urgence a disparu, l’extrême calme est inquiétant. Le ciel s’assombrit au fond de l’image et le souffle du vent devient perceptible : les lampes suspendues sont légèrement inclinées et font vaciller la composition. D’avertis observateurs y ont vu un surréalisme qui confère à une forme de sur-naturalisme*. On pense alors à un naturalisme tardif, un naturalisme néo-post qui aurait enjambé le XXe siècle, et probablement aussi le XXIè siècle, pour renaître des cendres encore chaudes de la disparition de l’humanité. Pour cette exposition orpheline de titre mais que l’artiste aurait aimé intituler « Buildings », même les oiseaux, témoins récurrents des scènes doucereusement apocalyptiques de ses dessins précédents, ont disparu. Le vivant a définitivement cédé la place au représenté. Les animaux ne sont plus des acteurs du paysage mais des vecteurs de complexification des jeux de mise en abyme de l’artiste. L’image dans l’image, un de ses intérêts majeurs, devient le sujet central de cette série de tondo. Seules quelques boîtes en cartons vaguement anthropomorphiques, oubliées ça et là sur des étagères d’usines désaffectées, rappellent que l’homme aurait été à l’origine de ce monde disparu.

    A l’origine pourtant il y a ce chien cartoonesque que Matuschek a griffonné, mû par sa fascination pour le processus de création de caractères fictionnels. Les crayons intitulés Characters notes évoquent ses mood boards mentaux confectionnés à l’aide de captures d’écran. Imprimés, jetés au hasard, il conçoit autour d’eux leur support: guéridons, tasses de café, cendriers fumants forment le décorum de ce brainstorming sur lequel on reconnaît quelques illustres personnages : Bunsen and Beaker, Wile E. Cojote, entre autres. Dans cette galaxie d’icônes fictionnelles trônent Mysterious Pete et son chien, the Hound of Bunkerville. Exfiltrés du comics de Lyonel Feininger, The Kin-der-Kids (1906), ces inquiétants messagers que véhicule un nuage, apparaissent désormais sur des panneaux d’affichage et ne semblent plus disposer du pouvoir d’influence narrative que leur avait conféré le maître américain. L’intrigue semble elle aussi avoir disparu au profit des billboards et de la grande réclame où gisent les personnages de Matuschek. Hagards ? A moins que tout cela ne soit un leurre, que nous soyons bernés par la répétition des mises en abyme de ces images et que l’artiste nous cache bien mystérieusement l’intrigue qui se noue sous nos yeux.

    *Cf. Ernst Yohji Jaeger

       Image credit: Courtesy of the artist and Crèvecœur, Paris.

     

    Info pratique

    mercredi 03.05.23 > samedi 03.06.23

    11:00 > 19:00

    Galerie Crèvecœur

    Galerie Crèvecœur, Rue de Beaune, 75007 Paris, Frankreich

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